• Chantier des métiers de l’éducation, petite revue de presse du net.

    FO-lit a cherché à s’informer sur le « chantier des métiers de l’éducation », ouvert par l’actuel ministre de l’éducation nationale. Il a donc lancé son moteur de recherche à grande vitesse sur la toile.

    I) Où l’on apprend que la redéfinition des « missions des enseignants » est une question de santé publique.

     

    Le monde.fr.

    Commençons par le plus sérieux, c’est d’ailleurs le premier résultat proposé par Google, la référence incontournable du journalisme français.

     

    « Le sujet est sensible. Il s'agit de réécrire le très sacralisé décret de 1950, qui donne une vision étriquée du métier de professeur de collège et de lycée en le réduisant au nombre d'heures passées en classe. Dix-huit heures par semaine pour un certifié, quinze heures pour un agrégé. Une conception devenue obsolète, en tout cas très éloignée de la réalité.

    [on constate d’emblée que devant la gravité du sujet, le journaliste abandonne sa neutralité sacrée elle aussi pour nous faire partager son point de vue sur lesdits décrets : « vision étriquée », « conception obsolète », etc.]

    En soixante ans, quantité de nouvelles missions se sont imposées aux enseignants. A la traditionnelle leçon magistrale s'ajoutent la préparation des cours, la correction des copies, les réunions avec les parents, les conseils de classe, le temps de concertation entre collègues, la participation à des projets d'établissement… Résultat : plus de quarante heures de travail hebdomadaire, comme l'a encore souligné une récente étude du ministère de l'éducation nationale. » LE MONDE | 18.11.2013 à 10h00 • Mis à jour le 18.11.2013 à 15h53 |

     

    Le jugement que le journaliste du monde porte sur la réglementation du travail des enseignants repose malheureusement sur des informations erronées! En effet, dans la liste des « nouvelles missions » qui se seraient « imposées aux enseignants », seules les deux dernières ne sont pas définies comme des obligations par les textes réglementaires qui régissent actuellement le travail des certifiés et des agrégés. Ce qui n’empêche pas les profs de se réunir en équipe, ni de participer à différentes réunions de concertation, mais avec la garantie que le temps passé à se réunir n’empiètera pas trop sur le temps consacré à l’activité d’enseigner ou au suivi des élèves (les conseils de classe et les rencontres avec les parents  sont bien des obligations de service, inscrites dans le code de l’éducation.)

    Quant à la préparation des cours et à la correction des copies, on peine à croire que quelqu’un puisse écrire qu’elles se soient « ajoutées » aux heures de cours proprement dites ! La « conception obsolète » dans cet article, c’est plutôt celle que le journaliste semble se faire du métier d’enseignant et de sa « traditionnelle leçon magistrale » !

     

     

    Sans doute celui-ci n’avait-il pas eu le temps de préparer son papier. Par chance, la presse en France est pluraliste, nous avons d’autres moyens de nous informer !

     

     

    Le Nouvelobs.com

    Las ! La lecture de la page du nouvelobs.com datée du 18/11/2013, oblige FO-lit à lui réserver la palme de l’ignorance informée.

    Le journaliste en effet s’interroge avec un bon sens raffiné :

    « Pourquoi est-il si délicat de chercher à redéfinir officiellement ce qu’est le métier d’enseignant, notamment au collège et au lycée ? Pour le profane, l’ouverture ce lundi 18 novembre, d’une discussion avec les syndicats sur le métier d’enseignant paraît d’une technicité bien saugrenue. Après tout, est-ce que les plombiers-zingueurs ou les chirurgiens-dentistes ont besoin de s’asseoir autour d’une table pour définir la nature exacte de leur mission ? »

    Les deux professions citées sont précisément des professions libérales, ceux qui les exercent n’accomplissent pas une « mission », mais des travaux ou une intervention, pour lesquels ou laquelle ils auront pris soin de vous faire un devis ou de vous avoir examiné. Quant à l’ouvrier plombier-zingueur, s’il doit respecter certaines normes de sécurité ou s’il bénéficie de congés payés et d’une couverture sociale, c’est bien parce que d’autres ouvriers, avant lui, ont contraint  d’autres gouvernements à s’asseoir autour d’une table pour « définir la nature exacte de leur mission. »

     

    Tant de morgue à l’égard du principe de la négociation salariale étonne sur la page web d’un journal réputé « de gauche. » On appréciera d’ailleurs la suite de l’article à cette aune.

    Après avoir parlé des décrets de 50 comme d’une « négation de la réalité » parce qu’ils se limiteraient au « face à face » enseignants-élèves (relation qui semble dans son esprit relever d’un  affrontement assez révélateur de son jugement personnel), le journaliste n’hésite pas à faire la leçon aux profs :

     

    « Reconnaître le reste de leur mission, c’est inscrire officiellement du "travail en plus" dans leurs agendas, même s’il est déjà très souvent accompli dans les faits. Mais surtout, cela revient à leur faire admettre qu’ils ne sont pas de purs esprits distillant leurs connaissances à des "apprenants", mais bien des adultes qui s’adaptent aux réalités changeantes d’élèves en chair et en os, avec leurs rêves, leurs difficultés, leurs contextes familiaux… »

     

    Le cœur du problème, on le voit, grâce à l’éclairage de la neutralité bienveillante de l’information, ce n’est pas tant les tire-au-flancs que l’actuelle réglementation permet, puisqu’ils ne sont pas si nombreux : on note que « le travail non réglementé est déjà souvent accompli dans les faits » (on se demande bien d’ailleurs sur quels « faits » ce jugement s’appuie, puisque le journaliste ne précise pas comment ils sont établis. Le début de l’article cite bien les propos d’un mystérieux « connaisseur du monde de l’enseignement » qui « énonce tout haut ce que le ministère de l’Education nationale sait parfaitement », mais par la suite, les guillemets disparaissant, il faut bien attribuer le propos à l’auteur, mais à un auteur fort heureusement informé par un expert anonyme, tout de même.)

     

    Non, celui-là ne se laisse pas aller au lieu commun du prof toujours en vacances, laissant cela à d’autres. Il a une vérité plus sérieuse  à révéler ! C’est l’irresponsabilité foncière, constitutive d’une profession refusant de voir les « réalités en face », comportement pathologique de professionnels n’agissant pas en « adulte » face aux enfants qu’ils ont pourtant la charge partielle d’éduquer (comme le veut le nom du ministère qui les emploie.) Les profs sont d’éternels enfants insatisfaits, et s’ils râlent tant, c’est sûrement d’être en perpétuelle crise d’adolescence ! Le ministre ne leur propose rien moins qu’une thérapie de groupe qui leur permettrait enfin d’accéder à l’âge adulte. Entreprise de salubrité publique s’il en est, que celle qui amènerait les professeurs des lycées et collège de France à découvrir enfin qu’ils ont  face à eux, des êtres de « chair et d’os » ayant « des rêves, des difficultés, une famille… »  !

     

    Par la grâce du journalisme, voilà plusieurs centaines de milliers de salariés moins assis autour d’une table que couchés sur le divan, voire internés de force pour psychose aggravée. Il est vrai que dans son chapeau introductif, l’auteur de l’article annonçait une « analyse. » Nous sommes servis !

     

    Les sources de FO-lit :

    _ L'article du monde :

    http://www.lemonde.fr/politique/article/2013/11/18/vincent-peillon-met-en-chantier-la-definition-du-metier-de-prof_3515383_823448.html

    _ L'article du nouvelobs.com :

    http://tempsreel.nouvelobs.com/education/20131118.OBS5849/reformer-le-metier-de-prof-attention-chantier-dangereux.html

    _ le décret n° 50-581 du 25 mai 1950

    _ Le code de l'éducation articles R421-51 et R421-53